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tants, ainsi que tous ceux qui se trouvaient dans le bois. Bientôt on entendit une infinité de hélélis, de ces cris à l’usage des Mores quand ils engagent la bataille[1]. Les tambours battaient, les trompettes, les clairons, les fifres résonnaient tous à la fois, si continuellement et si fort, que celui-là n’aurait pas eu de sens qui eût conservé le sien au bruit confus de tant d’instruments. Le duc pâlit, la duchesse frissonna, Don Quichotte se sentit troubler, Sancho Panza trembla de tous ses membres, et ceux même qui connaissaient la vérité s’épouvantèrent. Le silence les saisit avec la peur, et, dans ce moment, un postillon passa devant eux, en équipage de démon, sonnant, au lieu de trompette, d’une corne démesurée, dont il tirait un bruit rauque et effroyable. « Holà ! frère courrier, s’écria le duc, qui êtes-vous ? où allez-vous ? quels gens de guerre sont ceux qui traversent ce bois ? » Le courrier répondit avec une voix brusque et fa-

  1. C’est de là probablement qu’est venu le cri de chasse halali !