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LIVRE PREMIER

et lui donna une bénédiction papale, accompagné de quelques paroles plaisantes. Alors Michelagnolo lui dit en se redressant : — « On baise les pieds au pape, mais on baise les joues aux anges, » — et il l’embrassa. Une vive rougeur monta aussitôt au visage du jeune homme, qui n’en fut que plus beau. Dans la salle se trouvaient une multitude de sonnets que nous avions faits et envoyés à Michelagnolo ; Diego les lut avec une expression qui centupla leur mérite.

Mille propos réjouissants se succédèrent, mais comme ce n’est pas mon affaire de les répéter, je n’en rapporterai qu’un, et encore parce qu’il vient de Jules Romain, ce merveilleux peintre. Après avoir regardé tous les convives, et surtout les femmes, il s’adressa à Michelagnolo et lui dit : — « Michelagnolo mio, ce nom de corneilles, dont vous avez baptisé ces dames, leur convient fort bien aujourd’hui, quoiqu’elles soient un peu moins belles que des corneilles, auprès d’un des plus beaux paons que l’on puisse imaginer. »

Le souper servi, Jules demanda la permission de nous placer lui-même à table. Sa requête lui ayant été accordée, il prit les femmes par la main, les conduisit à leurs siéges, et assigna celui du milieu à mon bel enfant ; puis il mit les hommes en face, et moi au centre, en me disant que j’avais mérité cet honneur. Derrière les femmes était un magnifique espalier de jasmins naturels, sur lequel leurs figures, et surtout celle de Diego, se détachaient d’une manière si ravissante, qu’il est impossible de l’exprimer.

Ce souper, où la chère était d’une recherche et d’une abondance extrêmes, se passa le mieux du monde.

Le repas fut suivi d’un concert où d’admirables voix se marièrent au son des instruments. Comme chaque musicien avait sa partie écrite, mon angélique compagnon désira chanter la sienne. Il s’en tira au moins aussi bien que