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plus gai compagnon du monde. Il était le plus âgé de nous ; mais, à son air robuste, on l’aurait pris pour le plus jeune. Nous nous réunissions souvent, au moins deux fois par semaine. Je ne dois pas laisser ignorer que Jules Romain[1] et Gianfrancesco, ces illustres élèves du grand Raphaël d’Urbin, faisaient partie de notre compagnie.

Plusieurs fois déjà, nous nous étions rassemblés, lorsque notre digne chef nous invita à souper chez lui un dimanche, et enjoignit à chacun de nous d’amener sa corneille ; tel était le nom dont Michelagnolo avait baptisé ces dames. Il fut convenu que celui qui ne se conformerait pas à cet ordre serait condamné à payer à souper pour tous les autres. Les membres de la société qui n’avaient point d’accointance avec ces créatures, furent obligés de s’en procurer une, à grands frais, pour échapper aux railleries des autres convives. Je croyais pouvoir compter sur une jeune et belle fille, nommée Pantasilea, laquelle était fort amoureuse de moi, mais je fus forcé de la céder au Bacchiacca[2], l’un de mes plus intimes amis, qui avait

    Esclavonie, fut appelé à Rome par Baldassare Peruzzi, qui le chargea d’exécuter le mausolée du pape Adrien VI… » Peu de temps après, il mourut âgé de cinquante ans environ. — Voy. Vasari, Vie de Michelagnolo, t. VI, p. 203 et suiv.

  1. Giulio Pippi, plus connu sous le nom de Jules Romain, mourut en 1546, à l’âge de cinquante-quatre ans. C’est le principal et le plus renommé des élèves de Raphaël. Après la mort de son maître, qui l’institua son héritier, avec le Fattore, il fut proclamé le prince de l’école. Obligé de quitter Rome pour échapper à la colère du pape, qui, justement indigné des dessins qu’il avait fournis au livre du licencieux Arétin, voulait le faire pendre, il se réfugia à Mantoue. Federigo Gonzaga le nomma préfet des eaux et surintendant des bâtiments, et lui confia la direction des plus importantes entreprises. Jules profita de sa position pour donner à l’école mantouane une impulsion toute nouvelle et modifier complétement ses goûts et ses traditions. C’est à Mantoue, dans le château ducal, dans le palais du T, dans la cathédrale, splendides édifices construits et décorés par lui, qu’on peut seulement juger de toutes les ressources, de toute la richesse, de toute la fougue de sa verve, de son imagination et de son génie. La mort le surprit au moment où il allait rentrer avec honneur à Rome pour terminer l’édification de Saint-Pierre. — Voy. Vasari, Vie de Jules Romain, t. V, p. 33 et suiv.
  2. Francesco Ubertino, surnommé Bacchiacca, naquit à Florence, et vécut jusqu’en