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LIVRE PREMIER

de Jupiter qui, pour la dimension et la beauté, était sans égale ; le revers était orné de figurines, non moins bien gravées que la tête du dieu. J’aurais encore quantité de choses intéressantes à dire sur ces curiosités, mais je les passe sous silence, de peur d’être entraîné trop loin.

Ici, je vais un peu retourner en arrière, mais ce sera sans m’écarter de mon sujet. Ainsi que je l’ai noté plus haut, la peste avait éclaté à Rome, lorsqu’un chirurgien fameux, nommé maestro Giacomo de Carpi, arriva dans cette ville. Cet habile homme, entre autres cures, entreprit celle des cas les plus désespérés du mal de Naples. Comme cette maladie affectionne à Rome particulièrement les prêtres, surtout les plus riches, maestro Giacomo ne tarda pas à acquérir une grande renommée. Ses remèdes consistaient en fumigations, dont les résultats semblaient merveilleux. Avant de commencer un traitement, il avait soin de stipuler, pour ses honoraires, un prix qui montait non à quelques dizaines d’écus, mais à plusieurs centaines.

Maestro Giacomo avait une profonde intelligence du dessin. Un jour, en passant par hasard devant ma boutique, il vit les croquis que j’y avais exposés, entre autres, ceux de certains vases bizarres que j’avais composés pour mon plaisir. Ces vases ne ressemblaient à aucun de ceux que l’on avait vus jusqu’alors. Maestro Giacomo me pria de lui en exécuter plusieurs en argent, d’après ces modèles : j’y consentis d’autant plus volontiers qu’ils étaient de mon invention. Il me les paya très-généreusement ; cependant l’honneur que j’en tirai fut encore cent fois plus grand que le profit, car tous les orfèvres s’accordèrent à dire qu’ils n’avaient jamais rien vu de plus beau ni de mieux exécuté. Dès que je les eus terminés, maestro Giacomo les montra au pape, et le lendemain il plia bagage. Il était fort instruit, et discourait admirablement sur la médecine. Le pape désirait l’attacher à sa maison ; Giacomo lui déclara qu’il