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aussitôt à son art, et fit en os et en ivoire un miroir d’une brasse de diamètre environ, orné de figures et de feuillages d’un fini et d’un dessin vraiment admirables. Ce miroir représentait une roue : au milieu était la glace ; à l’entour sept encadrements circulaires contenaient les sept Vertus, sculptées en ivoire et en os teint en noir. Le miroir et les Vertus étaient disposés de façon qu’en tournant la roue les Vertus se trouvaient toujours droites, grâce à un contre-poids placé sous leurs pieds. Comme mon père était quelque peu versé dans la langue latine, il avait gravé autour de ce miroir un vers latin qui disait : De quelque côté que tourne la roue de la fortune, la Vertu reste debout.

Rota sum, semper, quoquo me verto, siat Virtus.

À peu de temps de là, mon père fut réinstallé dans son emploi de fifre. Quelques-uns de ces faits eurent lieu avant ma naissance ; mais, comme je me souviens parfaitement de les avoir entendu raconter, je n’ai pas voulu les passer sous silence. À cette époque, les musiciens dont je viens de parler étaient tous des artisans très-estimés, plusieurs d’entre eux appartenaient même aux nobles corporations de la soie et de la laine : aussi mon père ne dédaigna-t-il pas d’embrasser cette profession. Sa plus grande ambition pour moi était que je devinsse un éminent joueur de flûte. Quant à moi, le plus vif déplaisir que je pusse éprouver était, quand il abordait ce sujet, de l’entendre me dire que, si je voulais, grâce aux dispositions qu’il me voyait, je pourrais être le premier homme du monde.

Ainsi que je l’ai déjà noté, mon père était tout dévoué à la maison Médicis : aussi Pierre, lors de son expulsion de Florence, lui confia-t-il quantité de choses de haute importance. Le magnifique Piero Soderini, étant ensuite arrivé au pouvoir, prit mon père à son service comme