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PRÉFACE

plaisamment dans une inqualifiable apathie, sans jamais s’enquérir de la gloire de leurs prédécesseurs, dont le dévouement leur avait ouvert et aplani la voie. Ils ne s’aperçurent point que, dans leur coupable indifférence pour la mémoire des hommes qui devaient leur servir de guides et d’exemples, ils laissaient se perdre le splendide héritage que le passé leur avait légué, tomber en lambeaux toutes les belles et saines traditions, et se tarir toutes les sources vivifiantes de l’art. Aussi leurs œuvres, sans génie, sans intelligence et sans profondeur, destinées à ne point rester debout, reflétèrent-elles tout au plus l’éclat éphémère des circonstances contemporaines auxquelles elles se reliaient exclusivement, et s’évanouirent-elles avec les causes qui les avaient produites. Riche leçon pour les gens qui ne songent point qu’en se détachant du passé on se détache aussi de l’avenir !

Depuis plusieurs années, cependant, on a senti combien il importait de remettre en lumière les hommes qui avaient monté l’art à ces hauteurs sublimes d’où il avait si rapidement roulé chez nous vers une honteuse décadence. À l’incurie la plus extrême succédèrent la curiosité la plus ardente, les recherches les plus passionnées. On fouilla les siècles les plus reculés, et, dans un enthousiasme irréfléchi, on alla jusqu’à exhumer les plus insignifiantes figures, pour les installer chacune sur un piédestal, dans un immense, panthéon, à côté de ces majestueux et radieux colosses qui ont