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MÉMOIRES DE BENVENUTO CELLINI

j’avais commis, et tous ceux que je commettrais pour la défense de l’Église apostolique.

Je pris ensuite congé de Sa Sainteté, et je remontai à mon poste, où je ne cessai de tirer avec tant de bonheur, que presque aucun de mes coups n’était perdu. Mon dessin, mes études, ma musique, étaient complétement laissés de côté. Je ne songeais qu’à jouer de mon artillerie. Si je voulais raconter en détail toutes les choses que je fis dans cet infernal métier, j’étonnerais le monde ; mais, pour n’être pas trop long, je les passe sous silence, sauf quelques-unes des plus remarquables qu’il est nécessaire de relater.

Jour et nuit je pensais à ce que je pouvais faire pour la défense de l’Église. J’avais remarqué que les assiégeants, pour relever leurs sentinelles, passaient par la porte de Santo-Spirito, qui se trouvait à une distance raisonnable ; mais, comme j’étais forcé de tirer obliquement, je ne leur causais pas tout le mal que j’aurais voulu. Néanmoins, chaque jour, je leur tuais un bon nombre d’hommes. Les ennemis, ayant reconnu que ce passage devenait trop dangereux pour eux, placèrent, pendant une nuit, sur le toit d’une maison, plus de trente gabions qui me masquaient la vue. Après avoir réfléchi à mon affaire un peu plus mûrement que je n’avais fait jusqu’alors, je braquai mes cinq pièces d’artillerie contre ces gabions, et j’attendis la vingt-deuxième heure, moment où les assiégeants relevaient particulièrement leurs gardes. Ils se croyaient en parfaite sécurité, de sorte qu’ils marchaient plus lentement et plus nombreux que de coutume. Je mis alors le feu à mes pièces, et non-seulement je jetai à bas leurs gabions, mais encore je leur tuai plus de trente hommes. Je renouvelai la même manœuvre deux autres fois, et avec tant de succès, que les soldats qui s’étaient gorgés de butin dans le sac de Rome essayèrent à diverses reprises de se mutiner