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sensible, je démêlai que le mouvement était extraordinaire. Elle m’embrassait de toutes ses forces et redoublait à chaque éclair. Enfin un coup plus effrayant que tous ceux qui s’étaient fait entendre part : Biondetta s’y dérobe de manière qu’en cas d’accident il ne pût la frapper avant de m’avoir atteint moi-même le premier.

Cet effet de la peur me parut singulier, et je commençai à appréhender pour moi, non les suites de l’orage, mais celles d’un complot formé dans sa tête de vaincre ma résistance à ses vues. Quoique plus transporté que je ne puis le dire, je me lève : « Biondetta, lui dis-je, vous ne savez ce que vous faites. Calmez cette frayeur ; ce tintamarre ne menace ni vous ni moi. »

Mon flegme dut la surprendre ; mais elle pouvait me dérober ses pensées en continuant d’affecter du trouble. Heureusement la tempête avait fait son dernier effort. Le ciel se nettoyait, et bientôt la clarté de la lune nous annonça que nous n’avions plus rien à craindre du désordre des éléments.

Biondetta demeurait à la place où elle s’était mise. Je m’assis auprès d’elle sans proférer une parole : elle fit semblant de dormir et je me mis à rêver plus tristement que je n’eusse encore fait depuis le com-