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fois il faut leur céder ; si on les contrarie, si on les soulève, ils échappent tous à la fois, et la raison ne sait plus où s’asseoir pour gouverner. Ménagez-moi dans ces moments-ci, Alvare ; je n’ai que six mois, je suis dans l’enthousiasme de tout ce que j’éprouve ; songez qu’un de vos refus, un mot que vous me dites inconsidérément, indignent l’amour, révoltent l’orgueil, éveillent le dépit, la défiance, la crainte ; que dis-je ? je vois d’ici ma pauvre tête perdue, et mon Alvare aussi malheureux que moi !

— Ô Biondetta ! repartis-je, on ne cesse pas de s’étonner auprès de vous ; mais je crois voir la nature même dans l’aveu que vous faites de vos penchants. Nous trouverons des ressources contre eux dans notre tendresse mutuelle. Que ne devons-nous pas espérer d’ailleurs des conseils de la mère qui va nous recevoir dans ses bras ? Elle vous chérira, tout m’en assure, et tout nous aidera à couler des jours heureux…

— Il faut vouloir ce que vous voulez, Alvare. Je connais mieux mon sexe et n’espère pas autant que vous ; mais je veux vous obéir pour vous plaire, et je me livre. »

Satisfait de me trouver sur la route de l’Espagne, de l’aveu et en compagnie de l’objet qui avait captivé