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Alvare ? Mais ce sentiment ne serait-il pas le poison de l’amour ?

— Vous vous trompez, repris-je, il en est l’assaisonnement…

— Bel assaisonnement ! qui vous ramène à moi d’un air glacé, et me pétrifie moi-même ! Ah ! Alvare ! Alvare ! je n’ai heureusement ni rime ni raison, ni père ni mère, et veux aimer de tout mon cœur sans cet assaisonnement-là. Vous devez des égards à votre mère : ils sont naturels ; il suffit que sa volonté ratifie l’union de nos cœurs, pourquoi faut-il qu’elle la précède ? Les préjugés sont nés chez vous au défaut de lumières, et soit en raisonnant, soit en ne raisonnant pas, ils rendent votre conduite aussi inconséquente que bizarre. Soumis à de véritables devoirs, vous vous en imposez qu’il est ou impossible ou inutile de remplir ; enfin vous cherchez à vous faire écarter de la route, dans la poursuite de l’objet dont la possession vous semble la plus désirable. Notre union, nos liens deviennent dépendants de la volonté d’autrui. Qui sait si doña Mencia me trouvera d’assez bonne maison pour entrer dans celle de Maravillas ? Et je me verrais dédaignée ? ou, au lieu de vous tenir de vous-même, il faudrait vous obtenir d’elle ? Est-ce un homme