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Elle s’assied, et nous lui offrons à l’envi les reliefs de notre petit festin, auxquels elle touche par complaisance.

« Quoi ! madame, lui dis-je, vous ne faites que passer par Naples ? On ne saurait vous y retenir ?

— Un engagement déjà ancien m’y force, seigneur ; on a eu des bontés pour moi à Venise au carnaval dernier ; on m’a fait promettre de revenir, et j’ai touché des arrhes : sans cela, je n’aurais pu me refuser aux avantages que m’offrait ici la cour, et à l’espoir de mériter les suffrages de la noblesse napolitaine, distinguée par son goût au-dessus de toute celle d’Italie »

Les deux Napolitains se courbent pour répondre à l’éloge, saisis par la vérité de la scène au point de se frotter les yeux. Je pressai la virtuose de nous faire entendre un échantillon de son talent. Elle était enrhumée, fatiguée ; elle craignait avec justice de déchoir dans notre opinion. Enfin, elle se détermina à exécuter un récitatif obligé et une ariette pathétique qui terminaient le troisième acte de l’opéra dans lequel elle devait débuter.

Elle prend sa harpe, prélude avec une petite main longuette, potelée, tout à la fois blanche et purpurine, dont les doigts insensiblement arrondis par le