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duisant sur ses pas mon camarade le Flamand et ses deux amis.

Préparés à quelque chose d’extraordinaire par l’arrivée et le compliment du page, ils ne l’étaient pas au changement qui s’était fait dans l’endroit où ils m’avaient laissé. Si je n’eusse pas eu la tête occupée, je me serais plus amusé de leur surprise ; elle éclata par leur cri, se manifesta par l’altération de leurs traits et par leurs attitudes.

« Messieurs, leur dis-je, vous avez fait beaucoup de chemin pour l’amour de moi, il nous en reste à faire pour regagner Naples : j’ai pensé que ce petit régal ne vous désobligerait pas, et que vous voudriez bien excuser le peu de choix et le défaut d’abondance en faveur de l’impromptu. »

Mon aisance les déconcerta plus encore que le changement de la scène et la vue de l’élégante collation à laquelle ils se voyaient invités. Je m’en aperçus, et résolus de terminer bientôt une aventure dont intérieurement je me défiais ; je voulus en tirer tout le parti possible, en forçant même la gaieté qui fait le fond de mon caractère.

Je les pressai de se mettre à table ; le page avançait les siéges avec une promptitude merveilleuse. Nous étions assis ; j’avais rempli les verres, distri-