Page:Caumont - Les Fées contes des contes.pdf/252

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enfans qui ſont jeunes, & incapables d’avoir jamais pû t’offenſer : voilà ma vie que je t’abandonne.

Tous ceux qui entendirent ces paroles étoient penetrez de pitié pour une telle grandeur d’ame ; le Roy ſeul n’en fut point émû. La Reine qui étoit preſente verſoit des torrens de larmes. Le Roy en fut ſi indigné contr’elle, qu’il l’auroit tuée ſi on ne ſe fût mis entre deux. Elle ſe ſauva en faiſant des cris pitoyables.

Ce Roy barbare fit enfermer la Bonne Femme , ordonnant qu’on la nourrît bien, afin de luy rendre une prompte mort plus affreuſe. Il commanda qu’on emplît un abîme de couleuvres, de viperes & de ſerpens, ſe faiſant un plaiſir d’y voir precipiter la Bonne Femme. Que1 genre de ſupplice : qu’il eſt êpouvantable !

Les Officiers de cet injuſte Prince luy obéïrent à regret ; & quand ils ſe furent acquittez de cette funeſte commiſſion, le Roy ſe rendit ſur le lieu. On voulut lier la Bonne Femme ; elle pria qu’on la laiſsât libre, les aſſurant qu’elle avoit aſſez de courage pour aller en cet état à la mort. Et conſiderant qu’elle n’avoit pas de temps à perdre, elle s’appro-