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vent negligé, quoy qu’il fût couvert de lames d’or, elle ſe plongea tout à coup dans une triſteſſe exceſſive. Aprés bien du temps, & ſur la petite pointe du jour, la Bonne Femme voyant quelques larmes qui tomboient ſur les feüillets de ſon livre, oſa prendra la liberté de luy demander la cauſe de ſa douleur. Je m’afflige, luy dit elle, pour le deſtin irrevocable qui vient de s’offrir à ma connoiſſance ; j’en fremis & je tremble à vous le dire. Sont-ils morts ? s’écria la Bonne Femme. Non, pourſuivit Madame Tu Tu : mais rien ne les peut ſauver , ſi vous ou moy ne nous allons preſenter pour aſſouvir la vangeance du Roy. Je vous avoüe la verité, Madame, pourſuivit la Fée, je ne me ſens pas aſſez d’amitié pour eux, ni aſſez de courage pour aller ainſi m’expoſer à ſa fureur, & je crois auſſi que peu de perſonnes ſeroient capables de le faire. Pardonnez-moy, Madame, répliqua la Bonne Femme avec une grande fermeté, j’iray trouver le Roy ; rien ne m’eſt difficile pour ſauver mes enfans, je luy donneray de bon cœur tout le ſang que j’ay dans les veines.