Page:Caumont - Les Fées contes des contes.pdf/147

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nuë, reprenoit-il, divine Figure, dont l’image eſt reſtée ſi vivement empreinte dans mon cœur ? Mais quoi ! pourſuivoit-il, c’eſt un preſtige, quelques charmes ont formé ce que j’ay vû. Suis-je amoureux d’une ſtatuë, & pourrois-je eſperer d’être le Pygmalion de mon ſiécle ?

Aprés maintes reflexions, ce pauvre Prince eut beau appeller ſa raiſon, elle ne le vint point ſecourir ; & quoi qu’il ſe pût dire ſur la chimere qu’il aimoit, il l’aima, & cette fatale idée le ſuivoit & le perſecutoit par tout.

Cependant l’aimable Bleu n’étoit pas dans un meilleur état que luy. Elle n’avoit pris la reſolution de le quitter ſi bruſquement, & de diſparoître à ſa vûë, que parce qu’elle vit bien que ſi elle demeuroit plus long temps, elle ne pourroit peut-être s’empécher de ſe montrer tout à fait à luy dans ſa forme naturelle. La ſuite luy parut un moyen ſûr de ſauver ſa gloire, & de cacher une foibleſſe à laquelle elle auroit cedé malgré tout ſon courage.

Elle ſe rendit dans ſa haute demeure avec un battement de cœur dont elle connut bien l’origine. Je cede donc à