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les quatre fils aymon

Qant Rollans l’a aveü, bien conut le baron,
Car il l’avoit veü avec le roi Charlon.
Parmi le froc le prist et par le caperon.
Sire mounes, dist il, saves vos [vo] liçon[1] ?

De Mummolus et de Sagittarius, des deux traîtres, du guerrier et de l’évêque, la légende a fait ici le roi Ys qui, garde seulement de la part religieuse de ses origines la pensée de se réfugier dans une abbaye et de se faire moine :

La prendrons [nos] l’abi[t] et moine deven[dr]on[2].

En intercalant une part de la légende de Charles Martel entre les éléments mérovingiens, les trouvères ont sans doute renouvelé l’intérêt de la matière, et d’abord ils s’inquiétèrent peu des contradictions de détail nées de cette opération ; mais ils n’ont pu éviter que les principaux personnages ne portent l’empreinte de dates différentes : cela est vrai d’Ys qui n’est pas seulement Eudes d’Aquitaine ; cela est vrai de Charlemagne, en qui finissent par se confondre Chilpéric Ier, Gonthramn, Chilpéric II, Charles Martel, et au point de vue littéraire Charlemagne lui-même. Cela est vrai de Renaud, qui résume en lui Merovig, Gondovald et en partie Charles Martel.

Ni Gondovald ni Renaud ne meurent sur le champ de bataille. Ils sont assassinés et tous deux ont le crâne brisé, l’un d’un coup de pierre, l’autre par le marteau d’ouvriers maçons. La ressemblance fut peut-être plus grande encore. Dans le Reinolt von Montalban, version allemande en 15,388 vers éditée par M. Pfaff (Société littéraire de Stuttgart, 1885), les maçons ont d’abord la pensée de tuer Renaud en faisant tomber sur sa tête une grosse pierre du haut d’un mur (v. 15028 sq.). Le même projet est indiqué tout à la fin du dernier fragment du Renout von Montalbaen édité par M. Matthes, mais l’on ne peut savoir si dans ce texte un contre-sens étrange faisait transformer, comme dans le Reinolt, le martel ou marteau français en mœrtel ou mertel, mortier :

  1. P. 222, v. 35 sq. Nulle part il n’est fait mention d’une entrevue de Charles et d’Yon.
  2. P, 220, v. 29.