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les quatre fils aymon

S’aresta li sains cors, onque n’i quist essoine.
18360Par tote la contrée deci que vers Enbroigne,
I vienent li malade qui de cors ont vergoine.
Il gaitierent la nuit cele bele besoigne.

Issi avint, baron, com nos conte l’estoire,[1]

    toute différente de cette de L, il est clairement expliqué que le corps est parti de Cologne et s’est arrêté à Ceoigne. — B donne Reoigne. Nos éditions populaires, dérivant de A par l’intermédiaire de l’incunable de 1480, donnent Croine. Il faut donc ici Ceoigne ou Creoigne. L’on a Coogne dans le ms. Laud d’Oxford. La traduction allemande de 1535 étant faite sur notre édition en prose, l’on est moins surpris que le traducteur, dans sa préface, prétende qu’il y a en Westphalie un endroit, Cranen ou Croinen, où Renaud a été enseveli dans une église qui porte son nom. M. Pfaff objecte qu’à Kranen, petit hameau entre Cologne et Dortmund, il n’y a pas trace d’église ou de chapelle (l. l. p. liv). L et B distinguent trois villes, A s’arrête à la seconde, C et Douce l’ignorent et vont sans arrêt de Cologne à Tremogne. Mais A et C ont pu vouloir abréger. — Les Vies des Saints contiennent épars les éléments de notre légende. Je citerai deux exemples. Quand Badilo, sur l’ordre de Gérard de Bourgogne et de l’abbé Heudo, a dérobé à Aix le corps de Marie-Madeleine, le précieux fardeau, lorsqu’on est à un mille de Vézelay, refuse d’abord de se laisser porter plus loin. Quand, pour terminer la querelle des moines de l’île et des habitants de Saint-Pol, l’évêque fait placer en équilibre, sur deux chars attelés de bœufs, le cercueil de l’apôtre de la Bretagne, les chars partent si vite que l’on sait seulement en arrivant à l’église que le saint veut y être enseveli ; les moines ne reçoivent qu’un char vide. Le corps de Renaud manifeste sa détermination de façon semblable. Le cortège et les miracles reparaissent partout. Mais l’arrangement ne manque pas d’habileté.

  1. 18363 Ici A se sépare de L qu’il ne rejoint qu’à la dernière laisse. Il donne un récit absolument indépendant que l’on a aussi dans Laud (Oxford) et Peterhouse (illisible aux derniers feuillets). Le corps de Renaud s’arrête à Ceoigne et Tremoigne n’est plus mentionnée. L’importance de ce remaniement me paraît grande, non seulement parce qu’il a été suivi dans la version française en prose, mais parce que nous le retrouvons dans le Rinaldo italien en vers (V. résumé de M. Rajna dans le Rinaldo da Montalbano. p. 69). À partir du v. 97, je donne le texte du ms. Laud, d’Oxford, meilleur ici que celui de A. Pour les manuscrits d’Oxford v. Appendice, A.

    Grant fu la renommée, ce vous di par verté.
    De ce saintisme cor que je vous ai conté,
    Qui estoit à Ceoigne de son gré aresté,
    Il n’ot chastel ne ville en la crestianté