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les quatre fils aymon

Quant cil l’ont entendu, si prennent à plorer,
Et la gentil contesse contre terre à pasmer
Et tot l’autre barnage molt grant dolor mener.
11400Jamais de si grant duel n’orra nus hom parler.
« Maugis, ce dist Renaus, mal nos est encontré.
Que feromes nos ore chaitif, maleüré,
Quant nos avons perdu nostre bon avoé ?
Or n’i a plus ne mains, mais ostons nos solers,
11405S’en alons en essis, n’avons ami charnel ;
Car ja à Montauban n’oserons demorer,
Quant or est Maugis mors qui nos a tant amé. »
Issi le regretoient li baron naturel.
Quant il ont longuement gramoié et ploré,
11410« Seignor, ce dist Renaus, or vos reconfortes.
Se Deu plaist et sa mere, noveles en orres.
G’irai en l’abeïe à nostre abé parler ;[1]
Si ferai le gramaire et lire et conjurer.
Se Maugis iest mors, ocis ne afolés,
11415Il le sauront molt bien, ains qu’il soit ajorné. »
« Sire, dist Aallars, por Deu, or en penses.
Irons nos ovec vos, por vostre cors guier ? »
« Nenil, ce dist Renaus, vos piés n’i porteres. »
M 301Renaus, li fius Aymon, avala les degrés,
11420Puis en vint à Baiart en l’estable où il ert.
A ses .ii. bras l’acole, prist soi à dementer.[2]
« Ha ! Baiart, bons chevaus, que ne saves parler !
De ma grande dolor m’eüssies conforté. »
Mais Baiars li destriers ot feru et graté,
11425Sa provende abatue sor le marbre listé.

  1. 11412 Dans son ignorance naïve Renaud trouve naturel d’aller prier un abbé de consulter le grimoire (cf. anglo-normand gramary).

    Dans l’édition populaire, on ne pouvait le maintenir : « Il faut aller au bois de la Serpente pour parler à l’abbé de Saint-Ladre (saint Lazaron) ; il en aura peut-être quelques nouvelles. » On verra d’ailleurs que Renaud fut renseigné autrement.

  2. 11421 Renaud sent plus vivement ce que Bayard est pour lui, parce qu’il est bien résolu à ne pas revenir sans Maugis, qu’il ne veut point que ses frères se risquent avec lui et qu’ainsi il ne peut compter que sur le coursier fidèle. De là cet attendrissement d’une âme si virile et si fière.