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les quatre fils aymon

nages, prenant çà et là dans son souvenir. Là on constatera une simple superposition, ailleurs un entre-croisement où apparaissent à la fois des éléments de date très différente. La recherche des origines d’une légende peut donc être entravée par mille obstacles, sans parler des parties perdues ou volontairement sacrifiées. On sent que de simples analogies peuvent faire illusion. Il convient néanmoins de ne renoncer à l’enquête qu’en vrai désespoir de cause, car cette enquête même est un premier pas vers la vérité. Dans ce sentiment, nous nous hasardons encore à démêler dans Grégoire de Tours les origines d’une partie de la légende des Fils Aymon.

Le second fils de Chilpéric, Merovig, en épousant Brunehilde, la veuve de son oncle Sighebert, avait encouru la colère de son père et la haine de Frédegonde. Le châtiment fut sévère. Le jeune prince, tonsuré, ordonné prêtre par force, fut envoyé, avec une escorte, au couvent de Saint-Calais. À la même époque se trouvait à Tours un personnage dont nous aurons à nous occuper encore, le duc Gonthramn Bose, c’est-à-dire le Mauvais. « Germain d’origine, il surpassait en habileté pratique, en talent de ressources, en instinct de rouerie… les hommes les plus déliés de la race gallo-romaine. » Ce n’était pas la mauvaise foi brutale des Franks, ses contemporains, « c’était quelque chose de plus raffiné et de plus pervers en même temps, un esprit d’intrigue universel et en quelque sorte nomade, car il allait s’exerçant d’un bout à l’autre de la Gaule[1]. » On lui imputait une part de responsabilité dans la mort de Théodebert[2] et il avait dû, après la mort de Sighebert, chercher un asile avec ses deux filles dans la basilique de Saint-Martin[3]. Quand il apprit le traitement infligé à Merovig, il conçut immédiatement le projet d’en tirer parti, et adressa secrètement au fils de Chilpéric le sous-diacre Riculf, pour l’engager à venir le rejoindre à Tours. Merovig, qui venait d’être délivré par Gaïlen, un de ses fidèles, se rendit aussitôt à l’invitation de Gonthramn. Mais celui-ci, ayant sa confiance, se hâta d’en abuser. Tout d’abord il se mit d’ac-

  1. Aug. Thierry, troisième Récit, t. II, p. 77-78.
  2. Gregor. Turon. IV, 51.
  3. Id. Ibid.