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les quatre fils aymon

bert douze de ceux qu’il jugeait avoir trempé dans le meurtre des députés, lui laissant le choix de les mettre à mort ou d’accepter une rançon de trois cents pièces d’or pour chacun. Mais le roi frank refusa de les recevoir, donnant pour raison qu’il ignorait si c’étaient les vrais coupables, qu’on lui avait tué des hommes libres et que peut-être on lui présentait des esclaves. Les choses en restèrent là[1].

Bobo est donc réellement mort victime d’un guet-apens que les Franks ont pu imputer à l’empereur lui-même, et sa mort a été suivie d’une grande guerre. Ces événements, dont un aride sommaire affaiblit l’importance, avaient ébranlé l’Occident. Ils se modifièrent dans les souvenirs des peuples, et l’on en vint à croire que c’était auprès du père de Chlodovig que Bobo, couvert par un sauf-conduit, se rendait quand il fut tué contrairement à la foi jurée. Le second crime semblait la suite logique du premier. La concentration de la légende se faisait tout naturellement autour du roi, et à partir du règne de Charlemagne, quel trouvère eût songé à l’empereur byzantin auprès duquel Bodegisile et ses compagnons avaient été envoyés à Carthage ?

Le personnage du fils de Mummolenus grandit à mesure qu’on le connaît mieux. L’on ne voit d’abord en lui qu’un leude capable de s’associer aux crimes de Frédegonde ; c’est maintenant un des principaux ducs du roi, c’est l’homme de confiance auquel on remet Rigunthis ; il succombe enfin dans des conditions qui révoltèrent justement les Franks et provoquèrent l’explosion d’une grande guerre. Son crime, sa faveur et sa mort le placent au premier rang parmi les chefs de la nation franque et il peut entrer dans l’épopée primitive dont l’admiration va d’emblée à ceux qui dépassent l’ordinaire par la grandeur de leurs actes mauvais ou bons et surtout par le bruit qui s’est fait autour de leurs funérailles.

Mais les données de l’histoire se transforment en poésie par une élaboration particulière et complexe où les éléments dramatiques seuls survivent, où les parties tendent à se subordonner à l’unité de l’ensemble, où, par une influence latente, l’œuvre reflète la pensée et les mœurs de sa date. Dans le

  1. Gregor. Turon. X, 4.