Page:Castets - La Chanson des quatre fils Aymon, 1909.djvu/211

Cette page a été validée par deux contributeurs.
199
les quatre fils aymon

F° 65, verso B.Ly vint avision dont mont se merveilla,
Car il li fu advis adont qu’il regarda
Un homme trestout nu qui a lui adrecha
Et venoit du sepulcre dont Dieu resuscita,
5.Et se li fu advis que Renaut resenbla.
En une main tenoit les .iii. clous c’on forga,
Dont Jhesu Crist de gloire en crois on atacha,
Et le fer de la lance dont Longis le frappa,
Et [en] le main senestre la couronne aporta
10.Et le benoit suaire dont on l’envelopa,
Et des dines reliques tant que nombr’en y a.
Adont li fu advis que il les adoura.
Mais cilz homs devant lui errant s’agenouila
Et ces dignes reliques ossy lui presenta ;
15.Mais quant il le vist près, de certain lui senbla.
Que ce estoit Regnault que pais li demanda.
Karles en son dormant si tres fort s’aïra
De Regnault qu’il veoit, ce li sanbloit, droit là,
Qu’en son lit ou estoit s’estendi et tourna
20.Si fort que le chalis par le moilon froissa
Et tous les chandelabres abati et vercha ;
Par moult grant mal talent Regnault en sus cacha
Et jeta un fier coup et adonc s’esveilla.
F° 66, recto.De son côté Renaud fait sa prière.
Hé Dieu ! ce dist Regnault, n’e-sse mie pité
Que pour mon meffait sont ma gent si destourbé ?
Il a plus de .xii. ans que la guerre a duré,
Maint enfanchon en sont sans pere demouré
5.Et mainte veve fame cheüe en povreté.
Hé Dieu ! pour quoi n’a Charles par devers moi pité ?
Adonc ploura des yeulx, s’a le ciel regardé ;
A genoux se geta : [Hé] Dieu par [vostre] gré,
Accorde moi a Karle par ta benignité,
10.Et je te promes, rois, pere de magesté,
Que nux piés et en lange, com pélerin pené,
Sans nulle riens mengier s’on ne me l’a donné,
Pour l’amour de toy, Dieu, outre mer m’en iré
Veoir Richier en Acre qui est roy couronné,
15.Qui pour l’amour de moy a été deserté,