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les quatre fils aymon

primitive se fondit celle du roi mérovingien contemporain et adversaire de Charles Martel. De ces portraits superposés s’est formée l’image définitive du Charlemagne de l’épopée des Fils Aymon[1].

Il y avait à l’origine des légendes distinctes, les unes à fin malheureuse, celles des fils de Chilpéric, celle de Gondovald ; les autres à fin heureuse, celle de Childebert et en dernier lieu celle de Charles Martel. Les trouvères en accomplirent la fusion sans s’inquiéter d’autre chose que de sauvegarder et de remettre en valeur les principaux éléments dramatiques dont ils recevaient l’héritage. Ainsi ils firent de Renaud le héros qui résume en lui et personnifie tout ce qu’il y avait d’émouvant et de noble dans les légendes mérovingiennes et celle de Charles Martel.

Chlodovig, Merovig, Gondovald, Childebert, ce sont tous les princes mérovingiens dont la destinée intéressa le plus vivement l’âme austrasienne aux temps si troubles des fils de Clotaire. De même les Fils Aymon sont au nombre de quatre. On les fit tous frères et simples barons. L’on avait perdu le souvenir des Mérovingiens, et cependant sans l’illustration de leur naissance, rien ne fût resté dans la légende ni dans l’épopée de la destinée des fils de Chilpéric, de leur cousin Childebert, de ce Gondovald qui se prétendait de leur race. Un cri subsiste, toujours retentissant, c’est l’appel aux droits que confère la parenté. Richard, comme Renaud, se réclame de la communauté du sang qui l’unit aux douze Pairs. C’est l’écho de la protestation que soulevait la dureté cruelle du traitement dont avaient été l’objet tous ces fils de roi. « Ils sont de votre sang, du sang glorieux de Mérovée ! » s’écriaient les Francs, quand ils apprenaient la mort de Chlodovig, de Merovig, de Gondovald, le danger auquel l’enfant Childebert avait échappé.

On ne peut s’arrêter là. La qualité essentielle de ces personnages est d’être des fils, d’intéresser uniquement en tant

  1. La légende a dû également s’inspirer du caractère de Sighebert, dont l’attitude au milieu des Austrasiens insubordonnés et pillards est un si curieux mélange d’énergie et de faiblesse. V. surtout Gregor. Turon. IV, 50.