Page:Castets - La Chanson des quatre fils Aymon, 1909.djvu/115

Cette page a été validée par deux contributeurs.
103
les quatre fils aymon

Dans les deux versions, Olivier et Maugis se trouvent aux prises une seule fois, et Maugis doit se rendre à peu près sans résistance au compagnon de Roland (Michelant, page 302, vers 28 sq.). On pourrait voir là une contre-partie d’une première rencontre entre les deux chevaliers où Olivier aurait eu le dessous. La conclusion dernière serait que, pour l’entrée de Charlemagne en Gascogne, la version des cinq manuscrits (A. B. C. P. V.) est d’origine plus ancienne que la partie correspondante du manuscrit La Vallière, et cette conclusion étonne moins quand on sait comment ce manuscrit a été établi. On en jugera quand nous en donnerons la description. Il est probable que l’on ne saura jamais la vérité du procès de Démosthène et d’Eschine parce que les deux orateurs ont sûrement remanié leurs discours après coup, mais la difficulté est autrement grande quand on se trouve en face d’une immense composition qui offre l’aspect d’un ouvrage formé de volumes dépareillés. Le hasard seul a sauvé quelques exemplaires des Fils Aymon, et sa popularité elle-même a nui à la conservation exacte de la Chanson de geste, dont le texte en vers avait d’ailleurs perdu de son intérêt dès que l’on s’était mis à lire les rédactions en prose. Quand on en étudie les manuscrits, l’on a toujours présent à l’esprit le mot de Renan : « J’ai multiplié les peut-être, mais que l’on suppose que les marges en sont semées. »

Ce furent néanmoins des trouvères de génie ceux qui ont constitué cet ensemble qui va de la mort de Lohier aux scènes si pathétiques de Vaucouleurs et aux luttes chevaleresques qui suivent. Ils créèrent une famille héroïque, et leur œuvre, fruit de leur collaboration au travail des siècles, fut si solidement construite que si elle a été continuée et allongée à plaisir, elle n’en demeure pas moins intacte dans sa partie antique et excellente, gardant, avec l’empreinte pure et brillante de l’idéal des beaux temps de la féodalité, un fond de rudesse archaïque.

Maugis le faé, l’enchanteur, le bon larron, le courtois chevalier, qui met Charlemagne au désespoir par la variété de ses tours et jette une note gaie sur l’ensemble si austère d’ailleurs, est il d’origine antique ? Faut-il croire qu’il est issu de la même famille que l’Auberon de Huon de Bordeaux ?