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Chapitre III

Bettine crue folle. Le pere Mancia. La petite verole. Mon depart de Padoue.

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Bettine devoit etre au désespoir ne sachant pas entre quelles mains ses son billets etoient étoit tombés ; ainsi je ne pouvois lui donner une marque plus certaine de mon amitié que la tirant d’inquietude ; mais ma generosité qui la délivra d’un chagrin dut lui en causer un autre plus fort. Elle se voyoit decouverte. Le billet de Candiani demontroit qu’elle le recevoit toutes les nuits : ainsi la fable, qu’elle avoit peut etre inventée pour m’en imposer, devenoit alors inefficace. J’ai voulu la soulager de cet embarras. Je suis allé le matin à son lit ; et je le lui ai remis les trois lettres avec ma reponse.

L’esprit de cette fille lui avoit gagné mon amitie estime ; je ne pouvois plus la mepriser. Je la regardois comme une créature séduite par son propre temperament. Elle aimoit l’homme ; et elle n’etoit à plaindre qu’à cause des consequences. Croyant de voir la chose dans son vrai aspect, j’avois pris mon parti en garçon qui raisonnoit et non pas en amoureux. C’étoit à elle à rougir, et non pas à moi. Il ne me restoit autre curiosité que celle de savoir, si les Feltrins avoient aussi couché avec elle. C’etoient les deux camarades de Candiani.

Bettine affecta toute la journée une humeur fort enjouée. Le soir elle s’habilla pour aller au bal ; mais tout d’un coup une indisposition vraie, ou feinte l’obligea d’aller se mettre au lit. Toute la maison en fut alarmée. Quant à moi, sachant tout, je m’attendois