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MÉTAMORPHOSES D’UNE GOUTTE D’EAU.

transport que bientôt j’arriverais à cet océan auquel je désirais être mêlée depuis si longtemps. Mais, à quelques lieues de Paris, je passai tout auprès d’un immense ouvrage en charpente qui occupait un espace considérable sur un des côtés du fleuve. J’expiai encore une fois ma curiosité, car je fus prise par cette grande machine qui alimente les réservoirs de Versailles. Après être montée par des conduits obscurs jusqu’à l’aqueduc de Luciennes où je vis le ciel un moment, je repris ma route dans les ténèbres vers le grand réservoir du château.

Les eaux jouèrent quelques jours après, et le hasard me dirigea sur les jets d’eau du bassin d’Encelade.

J’éprouvai un plaisir mêlé de vertige à me sentir lancée avec tant d’impétuosité. Nous tombâmes en fine vapeur où se dessinait un arc-en-ciel en miniature, et la brise me poussa sur une feuille de marronnier. J’y passai la nuit. Le lendemain, revenue à celle de mes transformations qui me rapprochait le plus de ma nature élémentaire, je me joignis à un léger nuage qui errait au-dessus du parc.

Attiré par le soleil, il s’éleva considérablement et fut bientôt dissous. Alors chacune des gouttes d’eau recouvra sa parfaite liberté.

Je me sentais heureuse et légère à ces hauteurs