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MÉTAMORPHOSES D’UNE GOUTTE D’EAU.

lui demandant intérieurement pardon de ses regrets sacriléges ; et pleine de courage elle se remit à peindre. Pendant une semaine, je fus témoin de ce labeur soutenu et de cette innocente vie. Un beau matin, l’eau et le bouquet furent jetés, non sans un soupir de regret, dans une petite cour infecte sur laquelle donnait la fenêtre de l’intéressante artiste. Je m’y trouvai confondue avec les résidus des ménages nombreux qui peuplaient la maison, et j’attendis impatiemment que le soleil, qui n’avait jamais trompé mon espoir, vînt me purifier encore de cette nouvelle souillure. Je ne souffris pas long temps. Ravie de nouveau à cette existence terrestre que je fuyais toujours, je fus longtemps balancée dans les airs ; mais je me résolus en pluie avant d’avoir pu quitter Paris. Rentrée dans le fleuve, j’en fus retirée pour aller dans un grand philtre qui fournissait d’eau les maisons opulentes. On me porta chez une jeune femme qui me plaça dans une baignoire où un délicieux enfant de deux ans se refusait à entrer ; mais enfin, le petit rebelle s’y laissa plonger, attiré par le plaisir de diriger une flotte de métal avec le barreau aimanté qu’on lui avait mis dans la main. De petits animaux en moelle de sureau nageaient aussi auprès de lui et revenaient toujours à la surface, quelque effort que fît l’enfant pour les faire aller au fond. À chaque tentative infructueuse, il lançait un petit rire perlé