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MÉTAMORPHOSES D’UNE GOUTTE D’EAU.

m’en rapprocher de plus en plus, jusqu’à ce qu’il m’eût délivrée de cette forme palpable qui m’était imposée ! Devais-je attendre dans les entrailles de la terre la dissolution générale de ce monde dont je faisais partie !

J’étais tombée dans un anéantissement profond, et toute espérance m’avait abandonnée, lorsque je me sentis fortement aspirée, et que je montai rapidement dans un tube étroit, et d’une grande longueur. Enfin, je fus rendue à la lumière ! Je surgis d’un puits artésien, creusé jusqu’à des profondeurs infinies pour arroser une terre naguère stérile, et maintenant fécondée par cette eau bienfaisante. Je coulai longtemps sur le sol jusqu’à une série de rigoles qui me conduisirent dans une assez belle rivière, et j’entrai bientôt dans le réservoir d’une grande forge.

Là, je vis une foule d’hommes, noircis par le poussier de charbon, s’agiter nuit et jour pour produire le fer, métal devenu aussi utile en ce temps de civilisation que le pain qui sert à l’alimentation de l’homme. Les uns remuaient le minerai en le lavant ; les autres le montaient au fourneau ; d’autres encore surveillaient la fusion, et quand elle était à point, ils épanchaient le métal liquide en ruisseaux de feu. Lorsque la fonte était solidifiée, on la soumettait encore à l’action du feu, puis à la percussion d’énormes marteaux, ou bien à la pression de lami-