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MÉTAMORPHOSES D’UNE GOUTTE D’EAU.

Nous traversâmes tout l’ancien continent et nous planions au-dessus de l’océan Pacifique, quand, à la suite d’un furieux orage, je fus précipitée en pluie sur le pont d’un grand navire, précisément dans un vase que l’on avait attaché à l’affût d’un canon pour recevoir l’eau du ciel. L’orage ayant cessé, un jeune homme vint prendre le vase qui était plein, et le transporta dans sa cabine. Cette eau était destinée à entretenir la fraîcheur d’une plante rare qu’il apportait des Indes à sa mère. Rien de plus touchant que la sollicitude du brave garçon pour cette fleur délicate qu’un coup de soleil eût desséchée, qui n’aurait pu résister au froid des nuits, et que le manque d’humidité faisait languir. Je me tenais blottie au fond du vase, car l’expérience m’avait rendue prudente, et je n’essayai point d’en sortir ; il fut plus d’une fois rempli soit avec l’eau de la pluie, soit avec une partie de la ration du jeune homme ; et quand ce fut enfin mon tour d’entretenir la vie du frêle objet de tant de soins, nous étions en vue des côtes.

Je passai dans l’organisme de la plante et je remplissais quelques cellules du parenchyme des feuilles, quand ce bon fils offrit à sa mère cette fleur précieuse venue de si loin, et si pieusement soignée. La bonne dame serra son fils dans ses bras avec une grande effusion. Elle était plus flattée de