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LES FLEURS AQUATIQUES.

de jouir de cette existence aérienne qui doit être de si courte durée. Il n’y a pas bien longtemps encore elle n’était pas si fringante, enfermée dans son étroite gaîne de nymphe, n’ayant pour se mouvoir que des nageoires imparfaites !

— Mais ce sont des bêtes féroces que ces libellules que tu admires tant, dit Lionel. En voilà une qui vient de saisir un papillon sur cet épi de salicaire, et elle l’emporte pour le dévorer à son aise.

— Mon Dieu, mon frère, ne manges-tu pas des huîtres toutes vivantes ? »

Lydie ouvrit les doigts et rendit la liberté aux demoiselles, qu’elle vit alors effleurer toutes les plantes sans se poser sur aucune.

« Lionel ! Lionel ! s’écria Mina qui s’était fort peu intéressée aux libellules, donne-moi de ces feuilles qui ressemblent aux flèches des petits Amours peints au-dessus des portes, dans la maison de maman ! »

Pendant que son frère cherchait à atteindre des sagittaires, la petite fille apercevant, presque à portée de sa main, un beau jonc couronné par une ombelle de fleurs roses en étoile, ne put résister à la tentation ; elle allongea le bras avec tant de vivacité qu’elle tomba sur le bord du bateau le corps tout à fait en dehors, et, si son père ne l’eût pas retenue à temps, elle courait risque de se noyer.