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LES AVENTURES

étaient entièrement écroulés. Il fallut d’abord ôter les décombres, puis reconstruire le plus vite possible. Nous nous mîmes à la recherche des ouvrières en course pour l’approvisionnement général. À mesure que nous les rencontrions nous leur faisions connaître le malheur qui venait de nous arriver, soit en les touchant de nos antennes, soit en frappant leur corselet de notre tête ; elles prenaient tout aussitôt le chemin de la fourmilière. Quelques-unes, d’intelligence plus obtuse, avaient besoin de longues explications pour comprendre la nécessité de renoncer à leur recherche actuelle. D’autres y mettaient une mauvaise volonté manifeste, préférant les émotions de la chasse aux fatigues du travail : ce qui nous obligeait de les prendre par les mandibules et de les traîner de force sur le lieu des travaux. J’en rencontrai plusieurs qui, privées par accident de leurs antennes, en tout ou en partie, ne pouvaient plus se diriger toutes seules ; et certaines de nos ouvrières avaient été tellement effrayées par la grandeur du danger auquel nous venions d’échapper qu’elles en perdaient la raison : elles couraient en cercle sans pouvoir s’assujettir à aucun travail, ne comprenant plus rien de ce qu’on leur communiquait.

Un matin, par un chaud soleil d’été, nous avions apporté nos élèves sur le dôme pour les exposer pendant quelques instants à l’influence de l’astre bienfaisant. Tout à coup nous vîmes rentrer avec précipi-