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D’UNE FOURMI.

que quelques nourrices pour soigner les œufs pondus à l’automne précédent.

Nous commençâmes à creuser des galeries parallèles, en ayant soin d’exhausser les murs de séparation avec la terre extraite des fossés que nous faisions ; puis nous assîmes des voûtes solides sur ces murailles dont nous perçâmes ensuite la paroi de trous ronds. Nous découpâmes ainsi de vastes salles soutenues par des piliers massifs.

Les jeunes fourmis qui, comme moi, travaillaient pour la première fois, n’ayant pas le coup d’œil bien juste, recommencèrent souvent leur besogne après avoir été vertement tancées par quelque habile ouvrière. Il m’est arrivé de faire une voûte qui devait reposer sur le mur que construisait une de mes compagnes ; j’avais mal pris mes dimensions, ou plutôt, il faut bien l’avouer, j’avais hâte d’en finir : car je regrettais les doux loisirs de mon poste auprès des pucerons qui m’abreuvaient de leur miel chaque fois que je le désirais. Une vieille ouvrière, tant soit peu revêche, qui inspectait les travaux, s’apercevant de ma bévue, détruisit sans pitié l’ouvrage pour lequel je m’étais donné tant de peine ; puis elle m’obligea d’élever mon mur à la même hauteur que celui de ma compagne et d’y appuyer une voûte nouvelle, qui fut, j’en conviens, beaucoup plus solide et mieux faite que celle qui venait d’être détruite. Cette fatigante be-