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LES AVENTURES

la terre, les nourrices nous montaient dans les étages supérieurs de notre cité ; et si le temps était extrêmement favorable, elles nous sortaient même sur le dôme et veillaient auprès de nous, prêtes à nous rentrer au gîte à la moindre intempérie. Quand, au contraire, il venait à pleuvoir, ou si l’air était seulement humide, elles nous descendaient dans les souterrains, lieux où la température est toujours égale. Chaque jour ma nourrice me léchait avec soin pour me maintenir d’une éclatante blancheur.

Quand sonna l’heure de l’adolescence, je me filai une coque de fine soie à l’abri de laquelle s’opéra ma seconde métamorphose. Pendant ce temps-là je fus condamnée à une grande immobilité, et ma vie se trouvait entièrement à la merci de ma nourrice.

Aussitôt que je m’en sentis la force, je fis un léger mouvement pour avertir la gardienne qui veillait auprès de moi que le temps était venu de rompre les enveloppes qui me retenaient captive. Elle s’y prit fort délicatement, coupant un à un, et avec une patience admirable, les fils de cette trame fine et serrée, afin de m’épargner toute secousse fâcheuse. Enfin elle enleva, dans le sens de la longueur, une bandelette de mon linceul ; ayant ensuite déchiré la robe satinée qui m’enveloppait sous ma coque, elle tira mes antennes avec la plus grande