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l’eau de la mer, dont la surface de cse prairies estoit inondée, la mer inondant dans les grandes marées, jusques a deux lieues dans les bois, ce qui fait que toutes les marées que l’on trouve sont salées, et que les bonnes eaux sont tres rares. C’estoit la nostre plus grande fatigue, et ce qui nuisoit le plus à notre seurté. Sur le soir, nous ouimes quelques coups de fusils de quelques uns de nos canots qui avoient pris terre, nous trouvames quantité de becasses qui nous vinrent fort a propos, estans si cours de vivres, que je n’avois peu donner a mon detachement pour retourner au fort que deux outardes sallées, y aiant desja longtemps que le biscuit estoit fini. Ils avoient vescu de persil de mandoienne (macédoine)[1] qu’ils trouvoient en abondence, aiant esté obligez dans ce voiage d’attendre qu’il fist beau pour m’embarquer, pendant lequel temps ils ne mengerent (444) que de ce percy qu’ils assaisonnoient plus

  1. Le Bubon de Macédoine (Bubon macedonicum L.) est connu depuis longtemps sous le nom de persil de Macédoine ; il a joui autrefois d’une assez grande réputation à cause de l’odeur aromatique assez agréable de ses semences employées comme diurétiques apéritives, carminatives, etc. Du temps de Pline on se servait, pour guérir les tumeurs de l’aine d’une plante nommé bubonium qui, en grec, signifie aine ; mais la nôtre n’a d’autre rapport que son nom avec la plante de Pline. Elle est revêtue d’un duvet blanchâtre, particulièrement sur sa tige, ses pétioles et ses rameaux. Elle est rare en Europe, bien plus commune dans les prairies sèches des montagnes de l’Atlas, de la Grèce, etc. Ses feuilles ressemblent un peu à celles du persil ; les folioles sont ovales, incisées ou dentées ; les fleurs nombreuses, petites et blanchâtres ; les fruits ovales, velus, ainsi que les pédoncules et les involucres à plusieurs folioles.

    Extrait de Histoire philosophique, littéraire, économique des plantes de l’Europe, par J.-L.-M. Poiret (1829). Tome vi, p. 68.

    Si d’Iberville et ses compagnons se sont nourris sur les bords de la baie d’Hudson d’une plante qu’ils ont pu prendre pour le Persil de Macédoine, cette plante doit être vraisemblablement le Ligusticum scoticum L., plante qui habite les rivages des mers froides de l’Amérique et que l’on trouve depuis New-York jusqu’au Labrador, et aussi le long du bas Saint-Laurent. Nos gens appellent aujourd’hui cette plante le persil de mer et les feuilles goûtent effectivement le persil. Le Persil de Macédoine n’est pas une plante de l’Amérique.

    Note du Frère, Marie-Victorin, des Écoles Chrétiennes.