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Le vingtie je fis arrester un canot ou estoient deux sauvages qui venoient des Anglois. Je les interrogé soigneusement, tant sur la situation des forts que sur d’autres circonstances que je voulois scavoir, et les ayant regaley de bled d’inde. Ils parurent fort contens et nous temoignèrent a leur maniere la joie qu’ils sentoient de voir les françois dans leur paie. Il est vray que la conjoncture nous estoient d’autant plus favorable que le gouverneur de quichichoanne[1], qui commendoit aussi autres forts, dont les commandans se reconnoissoient avoir depuis peu donné des coups de baston a un sauvage, dont la disgrace estoit tres sensible à tous les autres, qui avoient conceu une haine mortelle contre les anglois. Pour ces deux sauvages, ils me parurent si iritey, qu’ils vouloient a toute force venir avec moy pour se battre, disoient ils, contre cette nation qui les avoit (433 bis) si maltraites. Je les remercie d’une maniere a ne leur donner aucun soupçon de la mefiance que j’avois d’eux, et les congédiant civillement, je leur fis dire avec beaucoup de douceur qu’ils pouvoient venir le lendemain, en asseurence, traiter avec nous des marchandises des anglois dont nous allions nous rendre maistres. Je ne jugé pas apropos de les mener avec moy, dans la crainte ou j’estois que se derobant la nuit, ils ne fussent advertir les anglois de mon arrivée, le sr d’hyberville qui nous estoit venu joindre m’aiant dit qu’il estoit temps de marcher, je les fis partir, quand a moy, eux d’un costé et moy de l’autre. Nous passames la nuit sur l’eau qui

  1. Quitchichouan ou « Albany ».