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la onzième heure à ceux qui ont porté, depuis l’aube, le poids du jour et de la chaleur.

Il est vrai que j’ai passé par les mêmes chemins, mais c’était dans un confort relatif. Il restait bien encore quelques maringoins, mais leurs dards ne se peuvent comparer aux flèches empoisonnées des Iroquois qui se cachaient au bout des pointes, en quête de chevelures et altérés de sang français.

Que de fois, en voyageant sur nos lacs et rivières, sillonnés autrefois par le canot d’écorce de ces preux, j’ai songé à leurs fatigues, à leur isolement, à leurs sacrifices et à leurs dangers.

Qu’étaient leurs conversations le soir auprès du grand feu de la grève ? Que furent leurs rêves de chrétiens et de Français à la vue de ces terres immenses qui se déroulaient chaque jour devant eux ?

Qui leur eut dit alors que dans cet Ontario, dont ils consacraient le sol par leur héroïsme et leurs vertus, on ferait plus tard des lois pour ostraciser leurs fils et éteindre sur les lèvres de l’enfance le verbe de France ?

Vous avez bien fait de tirer de l’oubli cette page sublime. Elle apprendra aux derniers venus un peu de notre histoire et leur fera comprendre notre attachement au sol de la patrie canadienne. Elle enflammera notre jeunesse et prouvera encore une fois qu’on est grand, non pas dans la mesure de sa force ou de son argent, mais en proportion de son dévouement, de son travail et de son esprit de sacrifice.

Qu’ils vivent dans nos mémoires et qu’ils revivent dans nos familles, ces géants des premiers temps, prêtres et laïcs, qui furent les pionniers de notre sol, qui plantèrent partout la croix et qui arborèrent sur nos rivages le drapeau de la civilisation chrétienne.

Ces deux germes de la vie, votre récit va les féconder et mon cœur d’évêque les bénit.

Veuillez me croire, cher Monsieur, votre tout dévoué.

† ÉLIE-ANICET.
Évêque d’Haileybury.

Évêché d’Haileybury, 21 mars 1918.