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son vaisseau avec ses 14 hommes, qu’il le défiait de le prendre avec tout ie qu’il avait de Français. On le turlupina un peu et y ayant près le fort un hiak, on mit deux ouvriers Anglais à le radouber, pour leur servir à paser en Angleterre ou au port Nelson. M. D’Iberville amarina sa prise : et après quatre jours de séjour nous partîmes pour retourner par notre chemin, et M. D’Iberville mena le vaisseau pour aller charger huit pièces de canon pour canonner les trois forts, distants du premier de 40 lieus. Lorsque nous fûmes à la traversé où nous avions trouvé les glaces en allant, il n’y en avait plus. Nous commençâmes la traversé comme le soleil se levait. Deux heures après il fit une brûme si épaisse avec le vent devant que deux canots ne pouvant pas se voir, par conséquent sauve qui peut.

Comme j’étais maître de mon canot, je ne changeai point ma route, et nous arrivâmes au bout de notre traversée, où un autre canot nous suivit au bruit des coups de fusil. Le soir nous trouvâmes deux autres canots, mais pour M. DeTroys et ceux qui étaient avec lui nous ne savions ce qu’ils étaient devenus. Deux jours après, nous arrivâmes à notre fort, où M. DeTroys arriva aussi trois jours après nous, et le vaisseau en même temps, sur lequel on chargea les canons et les amonitions, mais fort peu de vivres. Nous partîmes en canot, à gauche, le long de la mer. Nous fûmes 5 jours à nous rendre devant le fort Quiquitchiouan, distant de 40 lieus du premier. Ce fort est à un grand quart de lieue avant dans une petite rivière qui ne porte que des petits bâtiments ; au-devant il y a une île, où nous disposâmes une batterie pour huit canons. Pour y parvenir il fallut couper une partie de la terre à coups de hache, tant elle était gelée. Ls Anglais qui voyaient tous ces mouvements n’en faisaient aucun de leur côté. Lorsque la batterie fut achevée quoique nous n’eussions pas les canons, M. DeTroys envoya un tambour avec un interprète pour sommer le gouverneur de rendre le Sieur Peré qu’il avait retenu, que faute de quoi il lui demandait la place. Le gouverneur répondit qu’il avait envoyé le Sieur Péré en France par l’Angleterre et que l’on avait tort de l’insulter, puisqu’il n’y avait point de guerre entre les deux Couronnes. La chose en demeura là attendant toujours nos canons ; les vents n’étaient point favorables pour amener le vaisseau, nous n’avions plus de vivres, point de chasse dans cette saison, ni d’autres ressources qu’un persil de Macédoine ? ou à périr, ou prendre le fort par escalade.

Le conseil tenu, on commença des échelles, mais par bonheur la surveille de la Ste. Anne le vaisseau entra, on déchargea les canons ; le lendemain on les mit en batterie ; dès le soir on fit une décharge, à laquelle les assiégés répondirent par une des leurs. Le lendemain, jour de Ste. Anne, on recommença à canonner, les assiégés de même, mais notre canon leur en démontra du leur, et ne tirait que lentement. Nos boulets