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quelques traits d’analyse morale et quelques pages de description saisissante. Il n’en reste pas moins vrai que c’est un prodige de fécondité que cette vie littéraire de Mme Sand, vue dans son ensemble, enchantant de ses fictions ou troublant de ses rêves quatre ou cinq générations, à travers tant de catastrophes publiques ou privées, presque toujours égale à elle-même, mais n’ayant jamais dit le dernier mot de son art, déconcertant à chaque instant la critique, qui croit l’avoir enfin saisi, lui réservant toujours de nouvelles surprises, tandis qu’autour d’elle, et sur la route qu’elle a parcourue, se sont amoncelés tant de ruines intellectuelles, tant de débris, de talents incomplets, frappés ou d’impuissance ou de ridicule et, dans leur infatuation, ne s’apercevant même pas qu’ils ont cessé d’exister.

Dans l’intervalle des romans, qui étaient l’œuvre principale de sa vie, elle trouvait le temps de se mêler activement, même sous forme littéraire, de la vie des autres, soit qu’elle racontât toute sorte d’histoires à ses petits-enfants, le Château de Pictordu, la Tour de Percemont, le Chêne parlant, les Dames Vertes, le Diable au Champ, toutes les variétés des Contes d’une grand’mère, où se montre une imagination intarissable ; soit qu’elle écrivît d’une plume négligente sur le bord de la table de famille ses impressions un peu vagues sur la littérature du jour ; soit enfin que plus tard, sous le coup des émotions les plus vives, à la date de l’année terrible, elle retraçât dans le Journal d’un Voyageur pendant la