Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/77

Cette page n’a pas encore été corrigée

est peut-être le plus original et le plus simple. Il n’échappe pas à la poétique du genre qui condamne tout roman à n’être, plus ou moins, que l’histoire d’un amour malheureux. Ce sera donc encore l’éternelle lutte de l’amour contre les obstacles qui l’entourent à chaque pas et le détournent de son but. Mais la nouveauté est ici dans la nature de l’obstacle. Jean de la Roche est d’une naissance au moins égale à celle de miss Love ; sa fortune est convenable, et M. Butler, grâce à Dieu, n’a rien de commun avec les pères barbares qui remplissent les romans et les drames des éclats de leur colère. Quand tout semble conspirer au bonheur de cet amour partagé et béni, d’où vient donc l’obstacle ? D’où jaillira la source des larmes ? Miss Love a pour frère un enfant, un terrible enfant, qui, voyant que sa sœur va se marier, tombe dans une sorte de désespoir. Il est jaloux à sa manière, chastement, mais maladivement jaloux. Sa langueur silencieuse et obstinée, une fièvre nerveuse, des rechutes terribles, voilà tout le nœud du roman. L’enfant est jaloux jusqu’à en mourir, et, comme elle l’adore, comme elle est le sacrifice même, le sacrifice qui garde le sourire aux lèvres, sans hésiter elle immole ses plus chères espérances. L’analyse de cette passion étrange d’un enfant fait l’originalité de ce roman. Ce n’est plus de vive lutte que l’on peut enlever un obstacle de cette nature ; il faut des soins et des ménagements infinis pour traiter cette maladie de l’âme qui menace à chaque instant d’emporter une vie fragile ; il faut surtout une