Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/56

Cette page n’a pas encore été corrigée

à l’abri de la souffrance, pas plus que les existences les plus bourgeoises. C’est tantôt un jugement amèrement résigné sur la vie et les hommes, tantôt une plainte aigre, un cri d’angoisse, un de ces cris qui se font entendre à travers le monde, et qui ont un long retentissement. C’est, à coup sûr, la confidence la plus sympathique et la plus curieuse que Mme Sand nous ait donnée sur elle-même par la sincérité de l’accent, avec une exquise discrétion de la douleur. Dans ces simples pages s’agitent en une seule âme tous les sentiments les plus sacrés de l’âme ; ils s’agitent, ils palpitent sous le voile ; ni le sexe ni l’âge de ce pauvre et poétique voyageur de la vie ne s’y révèlent un seul instant ; la passion et la souffrance y gardent une admirable pudeur, et le charme en est doublé.

Toutes ces œuvres si diverses par la conception, par la fantaisie, par le cadre, portent la trace brûlante d’un esprit jeune. Le sujet, à peu près unique à travers la variété éblouissante des aventures, c’est la peinture de l’amour noble aux prises avec les tentations et les surprises de la vie, avec les défaillances ou les trahisons, ce sont les fortunes de ce pauvre et grand cœur humain dans ses élans trompés vers l’héroïsme et dans ses chutes prodigieuses ; c’est aussi la lutte des âmes aimantes contre les perfidies du sort, qui les jette en proie à la violence ; c’est la révolte de la nature contre les erreurs fatales de la société ; c’est une protestation contre les servitudes du code, ou de l’opinion, en un mot, contre tout ce