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se jouait à elle-même. Plus tard elle consacra des études nombreuses à ce genre de littérature, la littérature de la peur, qu’elle avait expérimentée sur elle-même, le Diable aux champs, les Contes d’une grand’mère, les Légendes rustiques, le Drac, etc., etc. Elle avait fini par se faire, sur ce sujet, une érudition très curieuse dont elle s’amusait non sans un peu de frayeur. L’élément fantastique lui semblait être une des forces de l’esprit populaire. Elle se plaisait surtout à le saisir chez des populations qui ne semblent pouvoir réagir que par l’imagination contre la rude misère de leur vie matérielle. Le Kobold en Suède, le Korigan en Bretagne, le Follet en Berry, l’Orco à Venise, le Drac en Provence, il y a peu de ses romans d’aventures qui ne garde quelque souvenir de ces noms, quelque impression de ce genre, et qui ne soit une de ses rêveries d’enfance continuée.

C’est ainsi qu’elle prélude à ce songe d’âge d’or, à ce mirage d’innocence champêtre qui la prit dès l’enfance et la suivit jusque dans l’âge mûr. Malgré ces préoccupations assez sombres, elle n’était pas triste pourtant ; elle avait ses heures de franche, d’exubérante gaieté. Sa vie d’enfance et d’adolescence fut une alternative de solitude recueillie et d’étourdissement complet. Au sortir de ses longues rêvasseries, elle se livrait avec une sorte d’ivresse à des amusements très simples et très actifs qui faisaient le plus singulier contraste aux yeux des personnes habituées à la voir vivre. C’étaient « les deux faces d’un esprit porté à s’assombrir et avide de s’égayer, peut-