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risque de la paralyser : « Vous m’étonnez toujours avec votre travail pénible ; est-ce une coquetterie ? Ça paraît si peu… Quant au style, j’en fais meilleur marché que vous. Le vent joue de ma vieille harpe comme il lui plaît. Il a ses hauts et ses bas, ses grosses notes et ses défaillances ; au fond, ça m’est égal, pourvu que l’émotion vienne, mais je ne peux rien trouver en moi. C’est l’autre qui chante à son gré, mal ou bien, et, quand j’essaye de penser à ça, je m’en effraye et me dis que je ne suis rien, rien du tout. Mais une grande sagesse nous sauve ; nous savons nous dire : « Eh bien, quand nous ne serions absolument que des instruments, c’est encore un joli état et une sensation à nulle autre pareille que de se sentir vibrer… » Laissez donc le vent courir un peu dans vos cordes. Moi, je crois que vous prenez plus de peine qu’il ne faut, et que vous devriez laisser faire l’autre plus souvent… » Elle revient à chaque instant sur ce conseil qui contient en germe toute une hygiène appropriée au talent de Flaubert, devenu le tourmenteur et le supplicié de lui-même. « Ayez donc moins de cruauté envers vous. Allez de l’avant, et, quand le souffle aura produit, vous remonterez le ton général et sacrifierez ce qui ne doit pas venir au premier plan. Est-ce que ça ne se peut pas ? Il me semble que si. Ce que vous faites paraît si facile, si abondant ! C’est un trop-plein perpétuel. Je ne comprends rien à votre angoisse. » Elle souffre aussi de voir qu’il se fâche à tout propos contre le public, qu’il est indécoléreux. « À l’âge