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plus loin[1]. » Cette aimable prophétie qu’elle lui envoyait avec ses bénédictions maternelles, c’est au public à dire si elle s’est réalisée.

Si je voulais définir l’esprit de George Sand, en dehors des épisodes et des aventures de sa vie littéraire, je dirais que c’était un esprit dogmatique et passionné. Dogmatique, en ce sens qu’elle avait des convictions fermes sur des choses fondamentales. Il faut distinguer la valeur des idées et la foi aux idées. Quelle que fût la valeur des siennes, elle y croyait fortement, elle les prenait fort au sérieux ; elle ne permettait pas qu’en quelque milieu que ce fût, sceptique ou gouailleur, on en plaisantât ; elle y subordonnait instinctivement la meilleure partie d’elle-même, son art. Or les idées ont une telle force en soi, que, fussent-elles contestables, elles communiquent quelque chose de cette force aux esprits qui s’en nourrissent ; elles lui donnent un caractère d’élévation et de générosité en comparaison de ceux qui se font une sorte d’esthétique de l’indifférence absolue. C’est là le secret de cette supériorité qu’elle semble avoir conservée dans sa longue correspondance avec Flaubert, où furent abordées quelques-unes des plus délicates questions de la littérature, où purent se contrôler réciproquement deux manières tout à fait diverses et presque opposées de concevoir l’art.

  1. Lettre à Alexandre Dumas, 23 mai 1871. Voir, pour le commencement de cette amitié, la lettre à M. Charles Edmond, du 27 novembre 1857.