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moqué de nos désespoirs d’il y a trente ans. Vous riez, vous autres, mais bien plus tristement que nous ne pleurions. » Elle s’étonnait surtout que les jeunes talents s’obstinassent « à voir et à montrer uniquement la vie de manière à révolter douloureusement tout ce que l’on a d’honnêteté dans le cœur. Nous en étions, nous, à peindre l’homme souffrant, le blessé de la vie. Vous peignez, vous, l’homme ardent qui regimbe contre la souffrance et qui, au lieu de rejeter la coupe, la remplit à pleins bords et l’avale. Mais cette coupe de force et de vie vous tue ; à preuve que tous les personnages de Madelon sont morts à la fin du drame, honteusement morts, sauf Elle, la personnification du vice, toujours jeune et triomphant. » Cette sorte de partialité du succès, sinon de la sympathie, l’irrite. « Donc, quoi ? Ce vice seul est une force, l’honneur et la vertu n’en sont pas ?… Je conviendrai avec vous que Feuillet et moi nous faisons, chacun à notre point de vue, des légendes plutôt que des romans de mœurs. Je ne vous demande, moi, que de faire ce que nous ne savons faire ; et puisque vous connaissez si bien les plaies et les lèpres de cette société, de susciter le sens de la force dans le milieu que vous montrez si vrai[1]. » Elle avait pour Alexandre Dumas un vrai culte fait d’admiration et de tendresse. Elle jouit profondément de son succès ; elle lit l’Affaire Clémenceau avec une sollicitude maternelle ; elle lui suggère aussitôt la contre-

  1. Lettre à M. Edmond About, mars 1863.