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vivant dans sa vision interne, aussi nette que la perception même. De là le charme et la vérité de ses paysages. Même quand on ne les a pas vus dans la réalité, on s’écrie devant eux, involontairement, comme devant le portrait d’un grand maître, quand on ne connaît pas l’original : « C’est bien cela ! » L’art seul vous fait croire à la ressemblance.

D’autres racines, plus profondes encore, c’étaient celles qui l’attachaient, depuis les premières années de sa jeunesse, à tout un ensemble d’idées philosophiques, politiques et religieuses[1]. Elles s’étaient enfoncées de bonne heure dans cette âme ouverte et avide ; elles s’y étaient, de bonne heure aussi, exagérées et faussées ; à la longue, pourtant, quelques-unes s’étaient redressées d’elles-mêmes par la force naturelle d’un bon esprit ; d’autres s’étaient assouplies, dans leur rigidité primitive, à la rude école de la vie. Plutôt que d’insister encore une fois sur les aberrations de goût et de bon sens qui l’avaient désignée autrefois aux inquiétudes de la conscience publique, ou même à des haines et à des vengeances terribles venues de deux côtés bien différents de

  1. Ce qu’elle souffrait le moins, c’était l’opinion de certains critiques légers qui disent « qu’on n’a pas besoin d’une croyance à soi pour écrire, et qu’il suffit de réfléchir les faits et les figures comme un miroir… Non, ce n’est pas vrai, le lecteur ne s’attache qu’à l’écrivain, qu’à une individualité, qu’elle lui plaise ou qu’elle le choque. Il sent qu’il a affaire à une personne et non à un instrument. » (1er mars 1803, Correspondance inédite, citée plus haut.)