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les rhétoriques de l’école. C’était la voix puissante d’un talent mûri ; les conseils de sa vieillesse à l’impatiente jeunesse de ses solliciteurs confinaient à la plus haute morale : « L’art est une chose sacrée, s’écriait-elle, un calice qu’il ne faut aborder qu’après le jeûne et la prière. Oubliez-le, si vous ne pouvez mener de front l’étude des choses de fond et l’essai des premières forces de l’invention. »

L’étude des choses de fond, c’est la condition de l’écrivain futur. S’il ne s’est pas amassé d’avance un trésor de connaissances sérieuses, dans un ordre quelconque des idées où s’est exercée la grande curiosité humaine, histoire, sciences naturelles, droit, économie politique, philosophie, qu’importe qu’il ait l’outil ? L’outil travaille à vide ; que devient l’artiste dans son frivole labeur, s’il ne l’applique pas à quelque matière résistante, s’il ne s’occupe que de la forme, indifférent aux choses, s’il ne se fait pas une loi de pénétrer en tout sujet au delà du banal et du convenu et de donner des dessous et de la solidité à sa peinture ?

Excellents conseils et qu’elle avait, toute sa vie, appliqués pour son propre compte, ne cessant pas de porter, dans les ordres les plus divers des connaissances humaines, sa mobile et enthousiaste curiosité. D’ailleurs, s’il faut des racines dans l’art comme dans la vie, elle en avait et qui dataient de loin et qu’elle ne cessait pas de développer et de fortifier dans le sol d’où s’élançait son talent en superbes moissons. C’était telle science, comme l’histoire naturelle,