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Il n’était pas aisé de l’attirer sur le roman, même sur ses romans à elle. Chose singulière ! elle les avait presque tous oubliés, et ce n’était pas une affectation, c’était une des formes ou l’un des signes de ce génie naturel qui travaillait en elle presque sans un effort de volonté. Avec les années survenantes, d’autres inspirations avaient pris la place des premières. Aussi est-ce avec une parfaite sincérité qu’elle raconte dans sa correspondance qu’elle est en train de refaire connaissance avec quelques-uns de ses romans les plus célèbres. À la lettre, c’est du nouveau pour elle. Ce qu’elle m’avait dit de cette singulière sensation d’un auteur qui se ressaisit lui-même, elle l’exprime à merveille, vers le même temps, dans une de ses lettres à Dumas fils : « J’ai essayé, ces jours-ci, de devenir, moi aussi, un lecteur de ce pauvre romancier. Ça m’arrive tous les dix ou quinze ans de m’y remettre comme étude sincère et aussi désintéressée que s’il s’agissait d’un autre, puisque j’ai oublié jusqu’aux noms des personnages et que je n’ai que la mémoire du sujet sans rien des moyens d’exécution. Je n’ai pas été satisfaite de tout ; il s’en faut. J’ai relu l’Homme de neige et le Château des Désertes. Ce que j’en pense n’a pas grand intérêt à rapporter ; mais le phénomène que j’y cherchais et que j’y ai trouvé est assez curieux et peut vous servir. » Elle était, à ce moment, tombée dans un de ces états de stérilité passagère que connaissent tous les écrivains. Il fallait pourtant se remettre à son état. « Mais alors, votre