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tout, même l’analyse, même l’observation. Nous pourrions faire la même enquête, qui nous donnerait le même résultat, jusqu’à Jean de la Roche, jusqu’au Marquis de Villemer, en insistant sur ce trait que les situations données et les caractères indiqués sont presque toujours pris dans la réalité la mieux observée, et que ce n’est que dans la suite et sous la pression d’une imagination qui ne se contient plus que les caractères s’altèrent, se déforment ou s’idéalisent à l’excès.

Il y a un de ses romans surtout, dont elle dit elle-même « qu’il est un livre tout d’analyse et de méditation », et qui m’a semblé se détacher en relief sur l’ensemble de son œuvre, comme une des plus fortes études qui aient jamais été faites sur une des formes maladives de l’amour, la jalousie ; je veux parler de Lucrezia Floriani. Il importe peu que ce soit un chapitre de psychologie intime, où les personnages réels du drame de sa vie peuvent se reconnaître eux-mêmes sous des noms nouveaux. Il importe moins encore que George Sand se soit faiblement défendue d’avoir voulu faire dans ce roman des portraits très exacts[1]. Ce qui importe, c’est l’exactitude de la peinture morale qu’elle nous a donnée, quel que soit l’exemplaire vivant où elle en a pris les traits. Le point de départ,

  1. « On a prétendu que, dans ce roman, j’avais peint le caractère de Chopin avec une grande exactitude sous le nom du prince Karoll. On s’est trompé, parce que l’on a cru reconnaître quelques-uns de ses traits, et, procédant par ce système, trop commode pour être sûr, on s’est fourvoyé de bonne foi. » (Histoire de ma vie, t. X, p. 231.)