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pour qui sait s’en servir. « Il est heureux, disait-elle, qu’il en soit ainsi. S’il n’y avait qu’une doctrine dans l’art, l’art périrait vite, faute de hardiesse et de tentatives nouvelles. » Balzac était une preuve vivante à l’appui de sa théorie. « Elle poursuivait l’idéalisation du sentiment qui faisait le sujet de son roman, tandis que Balzac sacrifiait cet idéal à la vérité de sa peinture. » Mais il se gardait bien de faire de ce sacrifice un programme d’école ; c’était une simple tendance de son esprit qu’il exprimait ainsi. Plus libéral que ne le furent plus tard ses disciples, il admettait au même titre la tendance contraire et félicitait Mme Sand d’y rester fidèle. Ainsi, ces deux grands artistes se maintenaient justes et tolérants l’un pour l’autre. Balzac, d’ailleurs, lui aussi, ne s’asservissait pas à un dogme. Il essayait de tout ; il cherchait et tâtonnait pour son propre compte. Ce n’est que beaucoup plus tard que l’école, s’étant formée, attribua au chef un système absolu qui n’avait été d’abord qu’une préférence de goût.

À plus forte raison peut-on le dire des dynasties qui se sont succédé depuis Balzac, et dont les chefs principaux n’ont fait que rédiger dans des programmes les qualités dominantes de leur esprit, soit Flaubert, l’homme d’un chef-d’œuvre unique et d’un immense labeur, soit les frères Goncourt, deux artistes de la sensation subtile et aiguë, soit Alphonse Daudet, dont l’observation profonde et cruelle a eu de si fortes prises sur les esprits de son temps, ou bien encore Zola, qui a créé l’épopée du roman ultra-