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C’est qu’en effet la nature nous écrase de son silence et de sa grandeur quand la voix de l’homme ne vient pas l’émouvoir, quand ses muettes harmonies n’expriment pas une âme imaginaire que la nôtre conçoit et interprète. L’homme, dit quelque part Mme Sand, n’est pas fait pour vivre toujours avec des arbres, avec des pierres, ni même avec l’eau qui court à travers les fleurs ou les montagnes, mais bien avec les hommes ses semblables. Dans les jours orageux de la jeunesse on rêve de vivre au désert, on s’imagine que la solitude est le grand refuge contre les atteintes, le grand remède aux blessures que l’on recevra dans le combat de la vie ; c’est une grave erreur : l’expérience nous aura bientôt détrompés et nous apprendra que, là où l’on ne vit pas avec des semblables, il n’est point d’admiration poétique ni de jouissance d’art capables de combler l’abîme. C’est la pensée, c’est la souffrance, c’est le don humain de sentir ou d’aimer qui répand la vie au dehors et crée le paysage avec l’âme particulière qui le contemple. Mais, pour aider à ce travail d’idéalisation, la nature prête ses formes, ses harmonies, ses couleurs, et le tout, ainsi combiné, devient la matière immortelle de l’art.

La passion et la nature, Mme Sand est là tout entière. Tout ce qui est en dehors de cette double inspiration lui est comme étranger, comme venu d’une âme pour ainsi dire extérieure, et si les formes de son talent se plient encore, avec leur admirable souplesse, à quelque nouvelle sorte d’inspiration qui ne