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mon beau frère le cheval avec lequel mon fils et deux neveux se sont enfuis au moment de l’investissement de mon village. J’ajoute que cet animal est le seul souvenir qui me reste de ma culture : ma ferme, mes instruments aratoires, tout ce que je possédais a été pillé, anéanti par les allemands. L’officier me répond : « Je comprends que vous teniez à ce cheval. La France gagnera la guerre sans lui. Je vais vous remettre un certificat de réforme. De cette façon, si l’on vient encore faire des réquisitions, vous n’aurez plus à le présenter. »

Dois-je signaler que j’ai vu des jeunes gens réformés à la suite de la perte d’un petit doigt, un autre n’a perdu qu’une phalange ; un troisième a reçu une blessure à la jambe qui lui permet de conduire un attelage aux champs, il marche toute la journée. Et alors ma pensée se reporte vers les soldats allemands du front que j’ai vus : borgne, mutilé de deux doigts à la main gauche, légèrement boiteux. Les plus extropiés étaient utilisés dans